Vanier, C. (2013) Naître prématuré, le bébé, son médecin et son psychanalyste, Montrouge: Bayard
Cet ouvrage porte sur l'expérience de l'autrice en tant que psychanalyste intervenant dans un service de réanimation néonatale. Elle propose que le travail des psys en réa néonat est un travail de "co-réanimation" : ce n'est pas le soma seul qui est à réanimer mais également la psyché, aussi bien celle des parents que des nourrissons, qui a été figée par le traumatisme de la naissance prématurée, du risque vital. L’écoute psychanalytique permet de repérer la façon dont cette naissance vient se tisser dans leur histoire de couple et leur histoire familiale, réactualiser des conflits et traumatismes passés.
L’effraction du réel de la naissance prématurée peut sidérer et laisser place à des vécus d’angoisse ou à des vécus d’effroi impossible à symboliser. Les parents peuvent avoir des réactions qui déroutent les équipes soignantes. Éls peuvent ressentir de l’ambivalence envers ce nourrisson rencontré trop tôt, trop brutalement.
L’incertitude qui entoure le pronostic vital peut renvoyer les parents, particulièrement les mères qui "donnent la vie" à un vécu de défaillance profonde. On rencontre une forte prévalence du sentiment de culpabilité, de fantasmes et désirs de mort, qu’il faut pouvoir entendre, accueillir.
La rencontre avec le bébé est rendue difficile voire impossible du fait de sa prématurité, de son besoin d'une machine pour survivre. Pour permettre au bébé de se constituer comme sujet et non seulement comme objet de la médecine, il est nécessaire « supposer du sujet » et lui parler, lui raconter son histoire, lui proposer des stimulations qui appellent le lien. La machine doit être investie dans ce même mouvement, c’est-à-dire avoir un sens humain et non seulement machinique.
Pour permettre la rencontre du bébé avec son entourage, il faut pouvoir construire le récit de son histoire, représenter aussi le traumatisme de cette naissance qui en fait partie. En cela, il s'agit de travailler avec les parents sur la question de la séparation, ce qui peut sembler paradoxal. Pourtant, on ne peut rencontrer l'autre comme autre-sujet que si on le perçoit comme séparé de soi.
La brutalité de ces naissances empêche parfois ce travail psychique, l'enfant prématuré est perçu comme "pas encore né". Il est donc nécessaire pour les parents de prendre conscience que l'enfant est bien né et que la rencontre avec ce petit sujet, cet individu encore si fragile, peut advenir.